Cela fait bientôt dix ans que je suis outrageusement infidèle à celle qui fut un temps "ma" télévision. Je me souviens du temps où je rentrais en trombes du lycée pour poser mes fesses délicates dans un fauteuil et rejoindre psychiquement les gais lurons d'Hartley coeurs à vifs. "Avec les colliers Bolton, soyez moins monotone!" fut ma devise le temps d'un été; je consacrai d'ailleurs le plus grand soin à la mettre en pratique: cheveux bicolores, tee-shirts, jupes et collants aux couleurs (souvent les plus criardes) de l'arc-en-ciel. Le tout, bien sûr, agrémenté de mes fameux ornements : ras-du-cou en boules multicolores venus de Berlin, chapelet bouddhique ramené de Chine...Sans oublier la pointe de maquillage qui va bien: tout en dégradé sur la paupière avec deux mascaras différents pour l'intérieur et l'extérieur de l'oeil. J'ai rarement plaint mes parents d'avoir une fille aussi géniale que moi, mais là, je concède qu'ils ont peut-être cauchemardé sur mes excentricités vestimentaires. Mis à part un projet très sérieux de partir en Australie, parce que là-bas le lycée ça avait l'air vraiment COOOOOOOOL, voilà ce que j'avais en tête:

DRAZIC,

le beau gosse de la six ou septième saison, dont vous noterez au passage qu'il a sévèrement rompu avec toute forme de monotonie vu le nombre de collier Bolton qu'il porte.

Rassurez-vous, moins de deux ans plus tard, j'avais partiellement changé de garde-robe, balancé mon maquillage dans un chiotte et trouvé un autre objet à ma passion:

(Bernard Pivot)

Mais cela restera sans commentaire, si ce n'est les vôtres, car mon intention première n'était pas de vous dresser le panorama de mes fantasmes masculins, mais de parler sérieusement de la télévision. D'ailleurs, pour bien vous prouver que je ne rigole pas, je m'en vais tout de go vous citer une sommité de la sociologie française: Pierre Bourdieu. Voyez que j'ai été chercher très loin, puisque le bouquin d'où j'extrais la citation suivante s'intitule Sur la télévision. Encore quelques remarques d'ordre général sur cet essai qui a l'indéniable avantage de ne faire que 95 pages: l'idéal pour briller en société. Constatez par ailleurs que je vais vous livrer du prêt-à-citer. Il suffira simplement d'apprendre cette phrase par coeur et de la prononcer au moment adéquat d'une conversation que vous aurez la lourde tâche de déterminer. L'effet n'est donc pas garanti. Vous vous attirerez soit les foudres, au mieux les regards offusqués, de vos camarades; soit vous finirez la soirée auréolé de gloire. Voilà:

"Or le temps est une denrée extrêmement rare à la télévision, et si l'on emploie des minutes si précieuses pour dire des choses si futiles, c'est que ces choses si futiles sont en fait très importantes dans la mesure où elles cachent des choses précieuses."

Ce qui est loin d'être faux, voire même très vrai. Avant que vous puissiez vous approprier cette pensée par vous même, j'ajouterai juste une petite chose. En fait, je vais simplement répéter ce qu'un ami m'a rapporté au sujet de la couverture médiatique des massacres perpétrés dans la bande de Gaza. Alors que la presse écrite débordait de visages d'enfants et de civils ensanglantés, TF1 aurait visiblement ouvert son JT plusieurs jours d'affilée sur les quarante centimètres de neige qui "paralysaient" Marseille. Il faut dire que ça n'était pas arrivé depuis 1987, ce qui vaut bien une Une. C'est bien connu, on ne ramènera pas les morts. En plus la Palestine, c'est vraiment pas la porte à côté. Bref, pas de quoi fouetter un chat. Vraiment. Yves Mourousi doit se retourner dans sa tombe! Je pars tout de suite vérifier ça au cimetière Montparnasse...

Spéciale dédicace to BenPro (un ami qui n'a pas encore jeté sa télé par la fenêtre)

La télé détraquée

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