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23 février 2009

Politique poétique

En un dimanche après-midi qui laisse augurer un printemps imminent, le 21 mars si le calendrier est respecté, je me retrouve au 104, ce nouveau lieu culturel qui a ouvert cet automne dans le 19ème. J'assiste à la fin d'un temps consacré aux Cultures urbaines. Au programme: spectacle vivant, performance graffiti, projections avec débats, slam et inauguration en résidence festive... En effet, Zoxea des Sages po [ètes de la rue]  est installé au 104 pour un moment, il y tiendra un atelier d'écriture.

Je découvre le dernier documentaire de Claude Santiago, un réal' qui est surtout spécialisé dans le domaine musical: The Last Poets / made in Amerikkka. Ces poètes vous les connaissez peut-être car on a coutume de les désigner comme les précurseurs du rap conscient, et non du "rap bling-bling" comme se plaît à le répéter Santiago. Cependant, si vous ne connaissez pas et que le rap n'est pas votre tasse de thé, n'hésitez pas à aller découvrir le mélange jazz-percu qui accompagne les textes.

C'est à la fin des années 1960 (1968 à peu près) que les poets commencent à déclamer ,pour inciter les Noirs américains à résister à la ségrégation, à arborer fièrement leur "sombre" singularité. Sans s'associer aux  organisations telles que les Black panthers ou Nation of Islam, les poets représentent toutefois des porte-paroles de la révolte afro-américaine. Le flow résonne parfois comme le bruit d'une foule manifestante ou comme des rafales de fusils; c'est plus que troublant.
Au fil des années, la formation connaît des fluctuations: les membres vont et viennent, au gré des aléas du quotidien (engueulade épique à coup de baguette chinoise, addiction au crack, prison, etc...). Le film de Santiago est une commande qui vient immortaliser la réunion de toutes les générations du groupe. Cette configuration exceptionnelle est expérimentée sur deux dates: une fois au festival Banlieues bleues, en région parisienne, et l'autre en Suisse. Claude Santiago accompagne le groupe lors des répétitions, les langues se délient et les poets racontent l'histoire de leurs textes sans trop de formalités. Alternent des moments musicaux, sur scène ou en studio, où les textes sont traduits et sous-titrés.
On ne ne peut que saluer cette attention du réalisateur, qui ne se contente pas de profiter de l'aura de ses protagonistes. Car sans texte, plus de poète. Il y a fort à gager que le public francophone, et moi la première, se verrait priver d'une substantifique moëlle sans l'appui de cette aide lexicale. Comme en témoigne Claude Santiago, la mise en scène du texte a été l'objet d'une véritable réflexion. Il ne s'agissait pas de traduire par bonne conscience, mais d'intégrer le spectateur dans une aventure musicale. De fait, le réalisateur a collaboré avec un graphiste afin d'exploiter plusieurs modes de transcription des textes. Sous-titres traditionnels pour les entretiens et certains textes très complexes, cartons colorés avec animation des paroles lorsqu'il souhaite souligner des phrases-choc ["America is a terrorist" par exemple] ou des litanies.
Un documentaire intelligent et instructif, dirai-je donc en conclusion. Si vous voulez voir un extrait cliquez-là. Sinon, tentez de vous brancher sur Trace tv le 29 mars vers 21heures. Ou encore, attendez la sortie DVD. Pour en finir avec cette gazette, je vous signale juste que Claude Santiago poursuivra son expérience avec un film plus historique sur le groupe qui sera réalisé aux Etats-Unis.

                                                         lastpoets 

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