Les Croûtes, ou toutes les saveurs du terroir.
Les fêtes de fin d'année m'ont donné l'occasion de revoir mon pote Yves. Pour cerner un peu le personnage: Yves est plutôt sujet aux aventures rocambolesques. Il s'en trouve, ainsi, auteur de récits palpitants. Du coup, ça me fait beaucoup rire et ça doit être pour ça que je l'aime bien. Ca faisait donc un paquet de temps que nous ne nous étions vus. Les dossiers de premier ordre (aléas sentimentaux, gestion du quotidien, activités salariées et relations familiales), importants et fort remplis, nous occupèrent une bonne partie de la soirée et nous poussèrent à une consommation immodérée de vin chaud afin de désaltérer nos gorges échauffées.
Quelques semaines plus tard, mon e-phone vibra alors que j'assistais à une conférence, relativement soporifique, à NYU. Ca m'apprendra à traverser l'Atlantique! Réception d'un texto. Expéditeur: YVES. LIRE: "Est-ce que ça te dirait de venir passer quelques jours en Champagne-Ardenne?" Rapide auto-brainstorming: je ne connais rien de cette région, mis à part qu'elle est viticole, ce qui est déjà un moindre mal. Toujours prête à braver l'inconnu, je pianote un "Pourquoi pas?" excité et dégotte dans la foulée un vol New-York-Branches pour le week-end suivant. Branches? Oui, une délicieuse petite ville à côté d'Auxerre surtout connue pour l'intensité de son trafic aérien.
Le samedi après-midi, par un soleil frais mais radieux, je débarque à Branches. Le temps de récupérer mes bagages je passe aux toilettes, me jette un oeil dans la glace et pense que je ne résiste encore pas trop mal au jet-lag. Et dire qu'il y a neuf heures j'étais dans une tour de cinquante-six étages avec Ellis island à l'horizon...Bof, la Champagne-Ardenne ça doit pas être si mal quand même...Ah, tiens ma valise! Devant l'aéroport, je prends la véritable mesure de la campagne qui m'entoure. L'odeur du kérosène et les vrombissements d'avion en moins, ça serait rousseauiste. Bref, j'ignore si les plissements d'yeux font apparaître les gens que l'on cherche, mais d'un seul coup je vois Yves se matérialiser à moins d'un mètre. On s'embrasse et on s'embarque dare dare dans la voiture. Direction: Arcis, dans le nord de l'Aube, où Yves habite depuis peu; une bonne heure de route pour bavasser.
D'un commun accord, nous décidons d'emprunter les petites routes pour que je puisse profiter du paysage. Nous quittons la Bourgogne pour rejoindre la Champagne. Pour fêter cette transition viticole, Yves me propose d'aller chez un de ces amis, un récoltant qui habite dans le coin. Soit! Mais voilà que les voitures se font de moins en moins rares. Rassurez-vous, on est loin de l'embouteillage. Mais sur une route vide depuis un bon moment, ça se remarque tout de suite. Et finalement, ce sont les bas-côtés qui commencent à être encombrés de véhicules. Etrange.
Nous pénétrons dans un village, ma foi, assez animé. Là, une banderole triomphante: Foire annuelle des Croûtes. Je reste un peu bouche-bée et presse Yves d'aller se garer, le regard suppliant. Hors de la voiture, nous nous laissons guider par des bruits de trompette, certainement. Nous ne tardons pas à découvrir une fanfare, l'Amicale croûtonne, qui joue avec dynamisme sur la place, devant une assemblée conséquente par rapport aux 115 habitants que compte habituellement le village. [Pour ceux qui doutent encore de l'existence des Croûtes, faut cliquer LA ICI MAINTENANT]
OOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOh! La jolie petite fête! Et c'est quoi tous ces petites cahuttes autour? D'un seul coup j'oublie tout: le récoltant, New-York... Quand l'Amicale termine la prestation j'applaudis avec vigueur et me précipite tout aussi vigoureusement du côté des cabanes voir ce qu'il s'y passe. Alors là, j'ai vraiment un pot incroyable: des stands gastronomiques! A ce moment précis, je suis au bord de l'explosion, de joie bien sûr. Je ne pensais sincèrement pas que des Croûtes pourraient un jour me mettre dans un état pareil. J'ai les larmes aux yeux, je tremble à moitié, je perds mes moyens ne sachant vers quel stand me diriger en premier. AAAAAAAAAAAh! Les Croûtes, les Croûtes! Vous m'en direz tant!
Par chance, Yves m'extrait de mon extase mystique. Il se trouve qu'il a fait preuve d'un pragmatisme doublé d'une efficacité étonnants. Il a trouvé un programme de la journée ainsi que son ami récoltant à la buvette de "La généreuse Croûtonne". Là, je commence par une petite flûte, juste pour me remettre. Et puis, avec mes potes de la fanfare, je découvre vite que croire qu'en Champagne, il n'y que du Champagne, est une profonde ineptie. Si on veut être vraiment précis, on peut dire que cette découverte s'étale sur les douze heures qui suivent. Marc, ratafia, rosé des Riceys, cidre du Pays d'Othe; rien que d'y penser, j'ai mal à la tête.
Bien sûr, les boissons du cru nous rendent loquaces. Vers 19h30, j'hante de mon déhanché démoniaque la place du village au rythme des guitares électriques de trois jeunes chevelus. J'AIME LES CROÛTES! Je n'ai jamais autant aimé les Croûtes et jamais je ne les oublierai! Mes anges gardiens - je ne sais plus trop qui exactement - m'offrent une tantimolle aux maroilles (une [sorte de] crêpe au fromage [qui pue grave], pour les incultes). D'après ce qu'ils disent, il faudrait que je me rassemble un peu car Monsieur le maire est au Bon Croûton, c'est-à-dire là où je dois absolument aller goûter la cacasse à cul nu et la truite farcie.
Ah, c'est justement à ce moment là que je perds le fil. Dommage, mais au moins, vous saurez ce que je pense des Croûtes.
COMMANDITAIRE: BazarBoy